El concepto de narcisismo ha estado en el centro de la descubierta freudiana del inconsciente. Si hoy esta noción es parte del vocabulario cotidiano común, su concepción significó una profundización compleja y nada evidente de la comprensión clínica psicoanalítica.

El ensayo de 1914 “Introducción al narcisismo” ocupa en la obra de Freud un punto de inflexión radical: a partir de este ensayo, las manifestaciones de la sexualidad humana han sido discutidas de una manera totalmente inédita, de modo que el Yo adquirió un contorno preciso conectado a la imagen del cuerpo. Además, se entiende que la imagen del Yo magnetiza las pulsiones sexuales en su dirección y, sorprendentemente, convierte al cuerpo en el primer objeto sexual para el sujeto mismo. El ternario autoerotismo/narcisismo/relación de objeto es elevado a la condición de estructura.

Así que la función estructurante del narcisismo establece un antes y un después, al delimitar campos subjetivos específicos: frágil o incluso ausente en la esquizofrenia, dominante y tiránico en la paranoia, el Yo narcisista aparece en todas las estructuras clínicas en su impresionante potencia.

Es la noción de libido del Yo, distinta de libido de objeto, la que constituirá la voltereta que conduce a Freud al segundo dualismo pulsional, en el que la pulsión de muerte aparece, finalmente, para dar a la teoría pulsional su remate definitivo. La comprensión del aparato psíquico adquiere una gran complejidad a partir de la teoría freudiana de la segunda tópica y los textos posteriores así lo atestiguan.

Como hecho de estructura, las manifestaciones del narcisismo tienen su raíz en las más diversas ocurrencias subjetivas y culturales. En la vida cotidiana, el narcisismo de las pequeñas diferencias causa todo tipo de daño en las relaciones humanas. En el universo de las redes sociales, el narcisismo ha sido un gran protagonista, expresado plenamente en la cultura de la cancelación, likes, polarizaciones extremas y empoderamiento a través de las imágenes que se difunden constantemente en las redes.

En Facebook predomina la faceta desertada de Janus; en Instagram, la instantánea fotográfica impone su fuerza a cada segundo y somete los grupos sociales a sus algoritmos; en las seductoras imágenes de Tinder, Grindr y Badoo, la imagen reina, poderosa; en BeReal, lo privado se convierte en espectáculo público.

En resumen, son muchas las preguntas que se plantean como reflexión para los analistas desde la perspectiva del narcisismo en todas sus dimensiones – clínica y cultural. ¿Cuál es el precio del redoblamiento del sujeto sobre su imagen que propone el mundo de hoy? ¿De la desconexión consigo mismo que se propone continuamente para dar lugar a la conexión imaginaria con el otro? ¿Cuál es el precio de la drástica reducción de lo simbólico a la comunicación inmediata y superficial de los emojis (ya se menciona la emojipedia)? ¿Cuál es el precio de la atracción de la curiosidad infantil en juegos que ejercitan la agilidad mental para el combate a la inteligencia artificial, por su estrechez, en una dicotomía apropiada? Por fin, retomando la vaticinación de Lacan según la cual “el racismo viene del futuro”, ¿cuál es el precio que paga la civilización en la segregación de raza, religión y cultura debido a la creciente expansión de los movimientos migratorios?

Le concept de narcissisme a été au cœur de la découverte freudienne de l’inconscient. Si, aujourd’hui, cette notion fait partie de notre vocabulaire quotidien, sa conception a représenté un approfondissement complexe et nullement évident de la compréhension clinique psychanalytique.

L’essai intitulé Pour introduire le narcissisme, publié en 1914, a marqué un tournant radical dans l’œuvre freudienne : à partir de cet essai, les manifestations de la sexualité humaine ont été abordées sous un angle inédit, à la lumière duquel le Moi a acquis un contour précis, relié à l’image du corps. En outre, cela suggère que l’image du Moi attire vers elle les pulsions sexuelles et, curieusement, fait que le premier objet sexuel du sujet est son propre corps. Le triptyque autoérotisme / narcissisme /relation d’objet est hissé au rang de structure.

Ainsi, la fonction structurante du narcissisme établit un avant et un après, car elle délimite des champs subjectifs spécifiques : fragile, voire absent dans la schizophrénie, dominant et tyrannique dans la paranoïa, le Moi narcissique apparaît au sein de toutes les structures cliniques, dans toute sa puissance.

C’est peut-être la notion de libido du Moi, qui diffère de la libido d’objet, qui constitue le tournant qui mènera Freud au second dualisme pulsionnel, dans lequel la pulsion de mort apparaît enfin, pour parachever la théorie des pulsions. La complexité de l’appareil psychique gagne en compréhension grâce à la théorie freudienne de la deuxième topique et les textes qui s’ensuivent en témoignent.

Les manifestations du narcissisme, qui sont le fait d’une structure, prennent racine dans les évènements subjectifs et culturels les plus divers. Dans la vie quotidienne, le narcissisme des petites différences cause toutes sortes de dégâts au sein des relations humaines.  Dans l’univers des réseaux sociaux, le narcissisme a pris un rôle de premier plan, comme l’illustre pleinement la culture de l’exclusion, des likes, de la polarisation et de l’affirmation de soi par le biais d’images diffusées sans relâche sur les réseaux sociaux.

Sur Facebook, ce qui prédomine, c’est un visage imaginaire dépouillé de l’ambigüité symbolique de Janus ; sur Instagram, l’instantané, celui des photographies, s’impose avec force seconde après seconde et soumet les groupes sociaux à ses algorithmes ; dans les photos séduisantes publiées sur Tinder, Grindr et Badoo, l’image est reine, elle est toute puissante ; sur BeReal, la vie privée devient un spectacle public.

En somme, il y a beaucoup de questions auxquelles les analystes doivent réfléchir concernant le prisme du narcissisme dans toutes ses dimensions – dans sa dimension clinique et dans sa dimension culturelle. Quel est le prix du repli du sujet sur sa propre image, que le monde actuel lui propose ? Est-ce de briser la connexion avec lui-même pour laisser la place à une connexion imaginaire avec l’Autre ? Quel est le prix de la réduction drastique du symbolique à une communication immédiate et superficielle sous la forme d’émojis (on parle déjà d’emojipédia) ? Quel est le prix de l’utilisation de la curiosité infantile dans des jeux qui aiguisent l’agilité mentale à des fins de combat, dans une dichotomie digne, par son étroitesse, de l’intelligence artificielle ? Enfin, étant donné que, comme le présageait Lacan, que « le racisme a de l’avenir », quel prix la civilisation doit-elle payer pour la ségrégation raciale, religieuse et culturelle provoquée par l’essor continu des flux migratoires ?

The concept of narcissism was at the center of Freud’s discovery of the unconscious. If nowadays such notion is part of the everyday vocabulary, its conception meant a complex and non evident deepening of the psychoanalytic clinical understanding.

The place occupied in Freud’s work by the 1914 essay “On Narcissism – an introduction” is such of a radical turning point: from which, the manifestations of sexuality began to be addressed in an absolutely unprecedented way, in which the Ego acquired a precise outline connected to its body image. Furthermore, it is understood that the image of the Ego magnetizes the sexual drive in its direction and surprisingly turns the body into the first sexual object for the subject himself. The ternary autoeroticism/narcissism/object relation is raised to the condition of structure.

Thus, the structuring function of narcissism establishes a before and an after effect, as it delimits specific subjective fields: fragile or even absent in schizophrenia, dominant and tyrannical in paranoia, the narcissistic Ego appears in all clinical structures in its impressive potency.

The notion of Ego-libido, apart from Object-libido, will constitute the turntable which will lead Freud to the second drive dualism, in which the death drive emerges to give the drive theory its definitive finish. The understanding of the psychic apparatus gains enormous complexity as from the Freudian notion of the second theory as the subsequent texts assure it.

As a structural fact, the manifestations of narcissism are rooted in the most diverse subjective and cultural occurrences. In everyday life, the narcissism of small differences wreaks all sorts of havoc on human relationships. In the social network environments, narcissism has taken on a major role, fully expressed in the culture of cancellation, likes, extreme polarizations and empowerment through the images broadcasted on the web constantly.

On Facebook, the deserted face of Janus predominates; on Instagram, the photographic snapshot imposes its force at every second and submits social groups to its algorithms; in the seductive images of Tinder, Grindr and Badoo, the image reigns, powerful; on BeReal, the private becomes a public spectacle.

To sum up, there are many questions for analysts to reflect on from the perspective of narcissism in all dimensions – clinical and cultural. What is the price of the redoubling of the subject over his image that is proposed by today’s world? From the disconnection continually proposed to give rise to the imaginary connection with the other? What is the price of the drastic reduction of the symbolic to the immediate and superficial communication of emojis (emojipedia is already mentioned)? What is the price of co-opting children’s curiosity in games that exercise mental agility for combat against artificial intelligence due to its narrowness in a suitable dichotomy? Finally, returning to Lacan’s prediction according to which “racism comes from the future”, what is the price paid, regarding the segregation of race, religion and culture due to the growing expansion of migratory movements?